Avis du Réseau Citoyen de Grenoble sur l’A480 et le Rondeau

Nous émettons :

 – Avis Favorable avec des réserves pour l’aménagement de l’échangeur du Rondeau.
 – Avis Défavorable pour l’élargissement de l’A480 à 2*3 voies.
– La proposition de dissocier les deux projets dans le phasage des travaux, car la fluidité du trafic peut être obtenue sans élargissement, ce qui conditionnerait la réalisation de la seconde phase.
1°) Notre analyse stratégique sur le fond du projet

Nous observons que le projet de l’élargissement de l’A480 et de l’aménagement de l’échangeur du Rondeau vise des impératifs difficilement conciliables : fluidifier la circulation sans mener à une augmentation de son volume total.

Or nous rappelons que, malheureusement, tout projet d’aménagement routier mène à une augmentation de la circulation en créant de la demande (stratégie basée sur la capacité) et que les émissions de CO2 des véhicules ralentis ou immobilisés dans les bouchons sont largement compensées, et même dépassées, par la surconsommation de carburant liée à l’augmentation du trafic[1]. Ce phénomène est d’ailleurs admis par les porteurs de projets car, avec et sans élargissement, une forte augmentation de 8 % de la consommation de carburant (surtout Diesel[2]) est prévue. Ce n’est donc pas la bonne voie à suivre, car en opposition complète avec le Plan « Air Energie Climat » de Grenoble Alpes Métropole[3].

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De plus, il n’est pas exclu que l’augmentation de trafic induise à moyen terme de nouveaux phénomènes de bouchons, au-delà de l’accalmie possible des premières années de mise en service. Nous soulignons que la méthodologie des études à la base du dossier de l’A480 ne prend pas en compte des éventuels reports modaux. L’autorité environnementale (AE) a d’ailleurs recommandé dans son avis que les hypothèses sur les simulations de trafic soient mieux justifiées.

En alternative à l’élargissement prévu, nous proposons que les aménagements à réaliser profitent d’abord au covoiturage, à l’autopartage, aux transports en commun et aux modes doux de déplacement. En effet, une grande partie de la circulation sur l’A480 est strictement locale et peut être captée par d’autres modes de déplacement que la simple voiture, a fortiori en autosolisme comme actuellement (1,04 personne/véhicule sur les trajets domicile-travail[4]). Or nous constatons que ces aspects ont été largement négligés dans le projet actuel.

Nous observons par ailleurs avec inquiétude les opérations menées pour la fermeture de la ligne de train Grenoble-Veynes, importante alternative de transports en commun en voie propre dans le sud de Grenoble et dont le potentiel est complètement sous-exploité. De façon générale, l’utilisation accrue des voies ferrées existantes pour la desserte de la région urbaine grenobloise (échelle du SCOT) peut être une réponse forte et appropriée aux besoins quotidiens de mobilité des travailleurs pendulaires, et réduire fortement le trafic journalier sur les autoroutes et voies d’accès rapides au cœur d’agglomération (projet de “RER péri-urbain” développé dans les travaux préparatoires du PDU).

La densification du réseau des parkings-relais, couplée avec leur augmentation de capacité quand cela est possible et leur rabattement vers les lignes structurantes de transports en commun, nous semble aussi faire partie des réponses de fond sur la fluidité d’accès et de circulation dans notre Métropole.

Enfin, le développement du télétravail peut également participer à la baisse du besoin de mobilité quotidienne. Selon les travaux de l’Alliance universitaire Entreprises de Grenoble (AUEG), une baisse de 25 % du trafic quotidien domicile-travail pourrait être observée par le développement à grande échelle du télétravail.

2°) Notre analyse sur le projet d’aménagement de l’échangeur du Rondeau

Le projet d’aménagement du Rondeau nous semble positif dans ses principes directeurs, car il vise la couverture de la tranchée au niveau de l’échangeur, pour réduire la coupure urbaine actuellement très forte par la Rocade Sud (RN87), et il tente d’améliorer un système d’échangeurs particulièrement peu efficace, en particulier vers Chambéry.

Néanmoins, il faut être vigilant sur les modifications de la circulation induite indirectement, principalement une augmentation de la circulation sur la D58 (rue Albert Reynier – avenue Paul Verlaine) – cours de la Libération.

Le projet impacte particulièrement les transports en commun (TC) qui desservent le sud Grenoblois (ligne 4500 et 17) ainsi que la ligne C6. Aussi nos réserves portent sur les points suivants :

  • Il serait nécessaire de profiter de l’aménagement pour créer une voie TC du cours de la Libération vers l’A480 sud avant le tourne-à-gauche prévu[5];
  • Pour rester cohérent avec le Scot qui prévoit une voie TC réservé jusqu’au Rondeau[6], il faudrait également prévoir une voie TC réservée entre l’échangeur du Rondeau et le diffuseur Louise Michel dans le sens sud-nord.
  • Dans la direction opposée, de l’A480 sud vers le cours de la Libération, une voie TC serait également à créer sur la rue Albert Reynier et l’avenue Paul Verlaine (toutes les deux prévues dans le SCoT[7]);

Notre avis favorable sur l’aménagement du Rondeau est donc assorti à la mise en œuvre, ou du moins à l’examen approfondi, de ces aménagements transports en commun.

Nous rappelons que le SCoT prévoit une voie spécialisée partagée (VSP) sur autoroute ou grande voirie sur la totalité de la section aménagée et qu’il n’est pas ici respecté.

3°) Notre analyse sur l’élargissement de l’A480.

Fondamentalement, notre vœu est que l’A480 soit transformée en boulevard urbain avec une limitation à 70 km/h et une emprise au sol inchangée par rapport à aujourd’hui.

Cette solution aurait un certain nombre d’avantages :

  • Un chrono-aménagement de la traversée de Grenoble,
  • Nuisances, pollutions et émissions CO2 réduites,
  • Accidentologie réduite, en particulier à proximité des sites sensibles Seveso,
  • Moins de contraintes, par exemple par rapport à l’espacement des échangeurs (avec une possibilité d’une sortie rue Jules Horowitz, actuellement impossible à cause de la faible distance entre les deux diffuseurs partiels),
  • Renforcement des échanges fonctionnels entre les communes de part et d’autre de l’actuelle A480, celle-ci n’étant plus un obstacle linéaire mais au contraire créatrice de liens.

Le Réseau Citoyen de Grenoble constate, au niveau du projet présenté :

  1. que la solution d’un boulevard urbain avec une limitation de vitesse à 70 km/h est plus adaptée au contexte de la circulation sur l’A480,
  2. l’absence de mesures en faveur des transports en commun ; pourtant un certain nombre de lignes de cars structurantes circulent dans le secteur,
  3. l’élargissement démesuré du pont sur l’Isère qui supprime une bonne partie du verrou Nord et va augmenter fortement la circulation entrante dans l’agglomération et qui n’est pas nécessaire en l’état actuel par rapport au volume de circulation,
  4. un rapprochement de la voirie des espaces sensibles (comme pour le gymnase et l’école Paul Vallier ainsi que pour les habitations de la cité Mistral) est contraire aux engagements du Scot[8]. Dans ce secteur, la pollution au NO2 est déjà sensible[9],
  5. une circulation et une pollution qui risquent d’être fortement augmentées au niveau du complexe sportif Bachelard, dues à la combinaison du volume de circulation augmenté sur l’A480 et du report de la circulation sur la rue Albert Reynier et l’avenue Paul Verlaine,
  6. une accentuation de la coupure urbaine au niveau de l’échangeur Vercors par l’emprise des nouvelles voiries de l’échangeur,
  7. que des mesures favorisant le covoiturage ou tout mode de déplacement innovant sont absentes du projet,
  8. qu’il manque des précisions sur l’emplacement des bassins de traitement[10] qui risquent d’impacter particulièrement des milieux naturels et des zones humides du couloir écologique du lit du Drac (classé « réservoir de biodiversité » dans le schéma de trames vertes et bleues de la métropole).

En résumé, les caractéristiques de l’élargissement de l’A480 sont telles que la circulation locale tire peu d’avantages des aménagements, mais que le projet favorise plutôt la circulation entrante et sortante dans le périmètre ainsi que la circulation de transit. Ces orientations d’aménagement encouragent le processus de périurbanisation, alors qu’il conviendrait de le freiner. Cette caractéristique du projet est tout à fait cohérente avec les intérêts d’AREA, qui est aussi l’exploitant des sections d’autoroute à péage en amont et en aval de Grenoble, mais il ne répond pas à la nécessité de « faire Métropole », c’est-à-dire de faciliter les échanges entre les communes, au service d’un projet de territoire et de mobilité durable.

Sous sa forme actuelle le projet d’élargissement de l’autoroute A480 est un projet du 20ème siècle et ne se situe pas du tout au niveau des défis actuels, c’est pourquoi nous émettons un avis défavorable.  Nous demandons qu’un projet alternatif soit étudié pour mettre en œuvre un véritable boulevard urbain desservant l’agglomération, limité à 70 km/h, et qui prenne en compte les remarques ci-dessous absentes du présent projet.

Nous demandons en conséquence :

  1. que la surface de l’enrobé des voies reste sur l’emprise actuelle des enrobés, surtout au niveau du diffuseur Catane et à proximité de la cité Mistral.
  2. de prévoir dans le cadre du projet des espaces réservés pour améliorer les liaisons des TC du sud de Grenoble jusqu’au boulevard de la Libération et surtout au nord entre Saint Egrève et l’avenue des Martyrs de Grenoble en assurant aussi la fluidité des liaisons TC entre l’avenue des Martyrs et Fontaine/Sassenage. Le projet de l’élargissement de l’A480 est à étudier dans le contexte global de la circulation dans ces secteurs. Nous rappelons que la ville de Grenoble fait de grands efforts pour fluidifier les TC, par exemple avec le réaménagement de l’axe Lyautey-Sembat. Il faut que ces efforts soient partagés au niveau de tous les projets de l’agglomération, y compris des aménagements autoroutiers.
  3. de prévoir la création indispensable de voies véhicules à occupation multiple (VOM) – TC, en amont et en aval de la zone étudiée.
  4. de maintenir le pont sur l’Isère et sur la N481 à la largeur actuelle. Les économies sont à attribuer à des mesures pour atténuer la coupure urbaine par l’autoroute, surtout en créant des passerelles pour les modes doux : une passerelle entre le rond-point de l’Ile brune à Saint Egrève franchissant la N481 et ensuite l’Isère au Nord, une passerelle sur l’autoroute à hauteur du diffuseur Horowitz afin de préparer un futur passage sur l’Isère, ainsi que potentiellement une passerelle à hauteur du diffuseur du Vercors afin de créer une piste cyclable en voie propre sans intersection des bretelles d’entrée et de sortie de l’autoroute.
  5. que les conditions de circulation des TC aux abords de l’A480 soient étudiées. La circulation dans le tissu urbain aux abords de l’A480 est très difficile, surtout entre le diffuseur de Catane et du diffuseur des Martyrs. Ces difficultés vont s’aggraver avec l’élargissement de l’A480[11]. Dans le secteur de l’avenue des Martyrs, ces difficultés risquent de compromettre la liaison des Lignes Express et de la liaison avec l’aéroport Lyon Saint Exupéry. Une solution radicale, réservant par exemple le pont d’Oxford aux TC et au covoiturage en reportant la circulation des VL sur l’A480 pourrait être utile et doit être étudiée.
  6. que le lit du Drac, élément essentiel de la trame bleue et verte, important couloir écologique et espace de vie soit absolument préservé, et que l’accès au Drac pour les habitants riverains et les métropolitains en général soit grandement facilité. Sur ce point, nous soulignons l’intérêt de la proposition de l’UDHEC (Union de quartier des Eaux Claires, Grenoble) pour la réalisation d’un tranchée couverte : elle mériterait d’être étudiée et chiffrée.
  7. qu’une campagne de mesures de la pollution ciblée au niveau du gymnase et de l’école Paul Vallier, ainsi qu’au niveau du complexe sportif Bachelard, soit faite avant tout travaux et après la fin des travaux pour déterminer l’impact et mettre en œuvre des éventuelles mesures compensatoires. C’est-à-dire que les engagements du projet soient précisés[12].

Enfin, nous soulignons que nous sommes fortement attachés à certaines mesures du projet comme :

  • une protection acoustique aussi continue que possible, car il reste dommageable qu’il y ait une interruption au niveau du site Eurotungsten avec un impact non-précisé sur le quartier Mistral.
  • la création d’une passerelle mode doux au Nord parallèle au pont de l’autoroute où cette passerelle doit permettre un franchissement de l’Isère aussi fonctionnel que possible (plutôt perpendiculaire à l’Isère et pas en diagonale comme le pont autoroutier avec une surélévation minimale).

Grenoble, le 10 janvier 2018

Contact : contact@reseaucitoyen-grenoble.fr

[1] http://usa.streetsblog.org/2017/07/06/urban-myth-busting-congestion-idling-and-carbon-emissions/

[2] Pièce E, page 651

[3] Pièce E, page 636

[4] Pièce E, page 404

[5] Pièce C, page 50

[6] SCOT DOO, page 340

[7] SCOT DOO, page 344 et 345.

[8] SCoT DOO, page 216-218

[9] Pièce E, page 449-458

[10] Pièce E, page 430-432

[11] pièce C, page 59

[12] Pièce E, page 618

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