Le Réseau Citoyen de Grenoble demande un débat métropolitain et un respect strict de l’esprit du Schéma de cohérence territoriale (SCoT) par rapport au projet Neyrpic.
Le projet « Les Halles Neyrpic », qui fait l’objet de l’enquête publique, porte sur la construction d’un lieu de vie comprenant des espaces de loisirs et de restauration, des commerces et des boutiques ainsi qu’un parking silo. Ce projet est situé au sein de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) “Neyrpic-Entrée du Domaine Universitaire” localisée à Saint-Martin d’Hères au sein de la métropole Grenoble Alpes.
Ce projet de centre commercial sur la zone Neyrpic ne respecte ni l’esprit ni la lettre du SCoT. En effet, la fonction du SCoT est d’assurer un développement durable et cohérent de la région urbaine grenobloise et d’éviter une mise en concurrence des territoires. Le SCoT, voté le 21 décembre 2012, est valable pour la durée 2012-2030.
Dans le contexte actuel, nous constatons que la demande de biens et de services de la part des consommateurs est constante au niveau de l’agglomération, du fait de la stagnation du pouvoir d’achat des ménages. On aurait pu s’attendre à une lente croissance de cette demande liée à la croissance démographique mais elle est contrebalancée par la compétition du commerce sur internet.
Nous demandons par conséquent que le projet Neyrpic puisse être révisé à la lumière d’une expertise objective du potentiel commercial de ce projet et de sa cohérence avec le marché à l’échelle de la zone de chalandise, éléments qui ne figurent pas dans le dossier.
Le projet a été entièrement modifié depuis sa première version élaborée en 2009 et a été soumis à une enquête publique en 2012 après sa validation en commission CDAC en 2011. Le SCoT de la Région Grenobloise ayant été validé en décembre 2012 et le transfert des compétences du développement économique à la Métro ayant eu lieu en 2015, il est inadmissible que le nouveau permis ne prenne absolument pas en compte l’évolution du contexte depuis lors.
Concernant l’aménagement commercial, le SCoT prévoit une hiérarchisation des pôles de l’agglomération avec un rôle de la ville de Saint-Martin-d’Hères comme pôle principal pour un bassin de vie comportant 40 000 – 50 000 habitants[1], tandis que la ville de Grenoble a le rôle d’une centralité par rapport à toute l’agglomération. Les infrastructures commerciales doivent donc se conformer à ce contexte[2]. Contrairement aux objectifs du SCoT, le projet Neyrpic, par le nombre de ses espaces de vente (plus que 90) et leur surface totale (24.000 m2), cible de fait la totalité de l’agglomération avec ses 550.000 habitants et rentre clairement en concurrence directe avec le centre de l’agglomération. Cette mise en concurrence entre les territoires est clairement proscrite par le SCoT car celui-ci n’autorise qu’une libre concurrence économique[3].
Par ailleurs, la situation du futur centre commercial Neyrpic sur un axe de circulation principal de l’agglomération déjà saturé crée une concurrence déloyale en bloquant l’accès au centre de l’agglomération. Cela ne concerne pas seulement la circulation directement engendrée par l’activité commerciale, mais aussi les 4000 véhicules qui se reportent suite à la cessation, à la privatisation et aux suppressions de deux voiries traversantes actuelles[4]. Sur le point de la circulation, le dossier présenté est particulièrement insuffisant.
La desserte de l’espace commercial par les transports en commun serait certainement bonne par rapport au bassin de vie comme indiqué dans le SCoT ; néanmoins elle n’est pas performante par rapport à la totalité de l’espace métropolitain visée et elle engendrera une augmentation de la circulation automobile disproportionnée[5].
Avec 40.000 m2 de sols artificialisés (c’est-à-dire 100 % de la surface du projet) pour éviter la décontamination des sols pollués, le projet ne respecte pas des directives du SCoT afin de lutter contre les îlots de chaleur et contre l’imperméabilisation des sols[6]. Cette réponse architecturale s’apparente à une violation du principe d’égalité devant les règles d’urbanisme[7] par rapport à d’autres projets de la Métro qui se sont construits sur des friches industrielles et qui ont nécessité d’importants travaux de décontamination des pollutions chimiques des sols et qui prennent en considération les questions d’imperméabilisation[8].
Nous remarquons aussi que le projet Neyrpic consomme à des fins uniquement commerciales des espaces initialement réservés pour la vie et le développement économique liés au campus universitaire tout proche. Il enterre ainsi définitivement la chance de créer un vrai centre polyfonctionnel de Saint-Martin-d’Hères mêlant campus et ville.
En conclusion:
- Les membres du Réseau Citoyen pensent que le projet Neyrpic est largement basé sur des textes caducs et des décisions dépassées par le cadre réglementaire actuel. Avec la non-compatibilité avec le SCoT, nous considérons que la présente enquête publique doit statuer sur un avis défavorable. En outre, certains éléments de la procédure sont très insuffisants et très insatisfaisants, comme par exemple l’autorisation du projet par la CDAC en 2011 avant même l’adoption du SCoT sur des bases bien trop fragiles et arbitraires et avant toute étude d’impact.
- D’un point de vue financier, la position des élus de Saint-Martin-d’Hères est sans doute soucieuse de préserver l’équilibre économique de la ZAC pour ne pas pénaliser les habitants par un déficit qu’ils devraient supporter, via la fiscalité locale. Cependant plutôt que de tirer l’ensemble de l’agglomération vers le haut, le projet Neyrpic déstabilise les équilibres de l’agglomération. Il enclenche une spirale infernale de concurrence entre les centralités à l’intérieur de la Métropole au détriment des habitants métropolitains et indirectement de la politique sociale comme cela a pu être observé au niveau de nombreuses agglomérations françaises. Cette question dépasse donc largement la ZAC « Neyrpic – Entrée du Domaine Universitaire » et concerne les autres communes : c’est donc un sujet éminemment métropolitain.
En conséquence, nous sommes défavorables au projet Neyrpic tel qu’il est présenté dans le dossier actuel. Par ailleurs, nous pensons que la Métro doit intervenir et, par exemple, s’opposer à tout déclassement et cession des voiries qui lui appartiennent et qui sont nécessaires au projet. La Métro doit aussi se saisir de la question des commerces dans toute sa globalité.
Grenoble, le 20 décembre 2017
[1] page 311 du Document d’Orientation et d’Objectifs (DOO) du SCoT
[2] page 308 du DOO
[3] page 304 du DOO
[4] page 123 de l’étude d’impact
[5] en opposition avec les objectifs page 354 du Scot
[6] page 202 du DOO
[7] page 304 du DOO
[8] A titre d’exemple : l’école Simone Lagrange, le chantier X-pole Schneider à Grenoble