J’ai souvent parcouru les pentes de la Bastille au-dessus du Rabot avec pour objectif que cet espace soit ouvert au public. Le chemin existant donne un accès aux fortifications du sommet sans tunnel ni escaliers. Malheureusement, il y avait de fortes oppositions administratives à cette ouverture que j’ai proposée au budget participatif 2017. Pendant la période Covid, cet espace à quelques centaines de mètres du centre-ville a été un lieu d’exercice très prisé.
Or en mars-avril de cette année, quasiment tout a été rasé jusqu’au moment où la préfecture a arrêté le massacre d’un « débroussaillement » qui a échappé à tout contrôle. De cette réserve secrète de la biodiversité de 4,5 h sur les pentes de la Bastille, il ne reste quasiment plus rien ! Un seul écureuil court dans les copeaux à la recherche de ses arbres disparus.
Tout ça sous prétexte d’une protection contre l’incendie.
Mais ici, on a une forêt de feuillus, pas de résineux qui sont facilement combustibles et ces arbres, même en cas de sécheresse, ne brûlent pas rapidement car ils perdent d’abord leurs feuilles.
Et comme le terme débroussaillage le dit, il s’agit d’enlever le sous-bois pour éviter que le feu ne monte dans les cimes des résineux et pour faciliter l’accès des pompiers ; en outre il n’est prescrit que dans un rayon de 50 m autour des habitations avec des règles plus strictes dans un rayons de 10 m. Il ne s’agit pas de raser toute une parcelle, de retourner et stériliser sa surface et de la recouvrir par de broyat des végétaux.
On peut se poser la question de ce que va être l’évolution des grandes surfaces stérilisées et couvertes de bois déchiqueté. Il n’y a rien de naturel dans ce processus et il est très probable que des espèces envahissantes comme l’Ailanthe Faux-vernis-du-Japon, la Renouée du Japon, le Robinier faux-acacia ou le Buddleia de David présents à proximité soient déjà à l’affût.
Un terrain agricole après son abandon (il y avait probablement ici il y a longtemps des cultures de céréales et de la vigne) se transforme d’abord en prairie. Avec la fermeture de l’espace, il se transforme finalement en bois, ce qui est la situation actuelle des pentes au-dessus du Rabot. Lors des coupes de bois, on ne touche ni au sol ni à la végétation basse. S’il y a un feu de forêt, on se trouve encore dans une autre situation car le terrain est complètement dénudé et nombreuses espèces le recolonisent très rapidement, soit à partir des graines, soit à partir des souches, des racines et de rhizomes toujours présents dans le sol, comme on a pu le voir après l’incendie du Néron en 2003 et comme on le verra à Rochebrune près de Voreppe.
Mais détruire la végétation entièrement, (en plus en période de croissance !) et couvrir le sol sur de grandes surfaces d’un broyat de bois et de tiges déchiquetés est une situation qui n’a rien d’écologique ou de naturel. L’évolution est très incertaine avec un risque d’érosion très fort en cas d’épisode de pluie diluvienne et la cité du Rabot peut être envahie par des coulées de boue. En plus, la suppression des arbres augmente le risque de chute de blocs. D’ailleurs, lors des travaux, d’anciennes murailles de soutènement des terrasses cultivées ont été endommagées.
Les vieux arbres, vrais réservoirs de la biodiversité, avec leurs cavités qui hébergent oiseaux, écureuils et chauve-souris ont été coupés pour leur bois par une entreprise prédatrice de la ressource bois. Une bonne partie des arbres qui ont été laissés ont été gravement endommagés par les engins et sont souvent trop faibles pour pouvoir survivre sans les arbres qui les protégeaient. Des nids et leurs nichées ont été détruits en pleine période de reproduction. Évidemment, il est aussi particulièrement rentable d’amortir les machines et de faire travailler les employés pendant une période où il est normalement interdit de procéder à ce type de travaux.
Ce qui s’est passé donne l’impression d’une incompétence et d’une négligence du service des Domaines géré par la Direction générale des finances publiques, auxquelles s’ajoute la cupidité de l’entreprise mandatée. On peut en effet estimer la quantité de bois extraite à plusieurs centaines de tonnes. La maximisation de l’extraction du bois et l’appât du gain ont pris le dessus sur toute autre considération. Ici il s’agit simplement de vol, de vol de bois de chauffage !
Ces travaux n’ont donc rien à voir avec un débroussaillement réglementaire sur un périmètre limité autour du bâti.
Wim Burmeister
Sources et lecture complémentaire :
https://www.voreppe.fr/article/obligation-de-d%C3%A9broussaillement