A propos du Street Art à Grenoble : quelques éléments de réflexion

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Il ne faut pas tout mélanger et faire la distinction entre graff et tag. Si les premiers ont une certaine reconnaissance et sont le fait d’auteurs qui pourraient s’apparenter à des artistes, voire sont des artistes, artistes de rue, en l’occurrence, il n’en va pas de même des seconds. Les graffs sont des compositions pensées, réfléchies suivant une certaine ordonnance. L’un des meilleurs exemples en était le mur peint rue Berthe de Boissieu qui a été détruit lors de la construction du quartier de Bonne. Mais c’est aussi l’une des composantes de cette démarche que ce soit des œuvres non pérennes, même si aujourd’hui les musées, conscients de leur valeur à la fois esthétique et sociétale, ont récupéré ce mode d’expression et l’ont fait entrer dans leurs murs. Beaucoup de graffeurs exposent maintenant dans des galeries. Le graff de pan de mur rive droite de l’Isère à hauteur de Saint-Martin-le-Vinoux, un endroit où les inscriptions murales sont plutôt tolérées, appartient à cette catégorie. Au-delà, on peut aimer ou non, c’est un autre problème, de goût personnel, celui-là ! C’est le lot de toute œuvre d’art de provoquer des réactions contradictoires. C’est même l’une de ses fonctions ! En c’est bien en cela que l’art interroge.

Le tag, c’est tout autre chose, même si le lieu d’implantation est le même : des murs « vides ». Et il s’agit alors bien davantage d’ occuper un territoire, d’enfreindre l’interdit, d’exprimer un refus, une colère, « em… » le bourgeois, déranger l’establishment, voire provoquer pour provoquer, en faisant aussi ce que les goûts convenus peuvent trouver laid. En somme il s’agit là le plus souvent d’une attitude essentiellement négative, alors que le graff procède d’une attitude beaucoup plus positive : il ne s’agit pas d’occuper l’espace en détruisant, en dégradant, mais en construisant, du moins en proposant une alternative à l’expression artistique plus habituelle.

Existe aussi une troisième catégorie, ni graff ni tag : les murs peints par les habitants, par exemple, fresques et dessins « participatifs ». Il y en a à la Villeneuve, notamment galerie de l’Arlequin. C’est là une catégorie intermédiaire, en quelque sorte, ni destructrice, car il s’agit de faire œuvre de « décoration », ni artistique, car les auteurs ne sont pas et ne se prennent pas pour des artistes professionnels.

Ce qu’il faut ajouter, c’est qu’il y a de la plupart des tagueurs, comme des graffeurs, un respect de l’ » œuvre », de l’intervention de l’autre. C’est pourquoi n’importe quel mur décoré par des peintures, que celles-ci émanent d’artistes professionnels et reconnus ou de simples amateurs-habitants sont généralement respectés par tous. Ainsi par exemple à Lyon, où aucun des murs peints par des artistes ne sont tagués. C’est aussi pourquoi les collectivités entreprennent souvent de faire peindre les murs par des artistes, voire des graffeurs, afin d’éviter les dégradations par des tags non contrôlés qui le plus souvent nuisent à l’environnement plus qu’ils ne l’enrichissent. Lorsque des murs peints par des artistes sont tagués, c’est qu’ils sont déjà dégradés par suite de vieillissement et de non entretien. L’exemple à Grenoble le plus emblématique, en est la « fresque » de Morellet, en face du musée, que d’ailleurs l’artiste voudrait voir disparaître. Le problème est que si on la fait disparaître, il faut absolument la remplacer par quelque chose d’autre, au risque que le mur ainsi libéré soit immédiatement envahi par des tags de toutes sortes.

On le voit, pas d’amalgames entre des formes d’art que leurs supports rapprochent mais qui relèvent de démarches bien différentes ; une attitude éclairée et informée est donc bien nécessaire pour aborder cette forme d’expression contemporaine et multiple.

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Pour en savoir plus

Street Art Fest Grenoble 8.6. – 26.6.2016

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