Rencontres improbables: Que signifie investir pour l’avenir?

Rencontres improbablesLes premières Rencontres improbables

Que signifie investir pour l’avenir?

Pierre Rabhi et François Albrieux, président de la CGPME*
 organisées par le Réseau Citoyen de Grenoble.

* Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises

La rencontre devant un parterre de dirigeants des petites et moyennes entreprises, des représentants d’associations, d’étudiants, de chercheurs et d’élus de l’agglomération grenobloise. Elle a eu lieu le 17 mars 2016 à l’Institut de la Géographie Alpine et était animée par L. Gwiazdzinski son directeur.

Elle se fond sur les réflexions d’un utopiste, P. Rabhi, et sur celles d’un pragmatique, homme de terrain, F. Albrieux. P. Rabhi est l’initiateur de l’idée d’agroécologie et du mouvement Colibri et F. Albrieux, ancien universitaire historien, est dirigeant d’une société spécialisée dans le vélo.

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Dans un premier temps, P. Rabhi s’est félicité de la présence de jeunes dans la salle, puisque le changement passera sans doute par eux. Il a rappelé ensuite les thèses développées dans Le monde a-t-il un sens, co-écrit avec J-M Pelt,: il a fallu de la coopération et de l’associativité pour que le monde advienne ; or les humains ont instauré des oppositions et des fragmentations dans ce monde et aujourd’hui l’humanité détruit ce à quoi elle doit sa propre existence. La modernité et ses miracles technologiques ont modifié la perception que nous avons du monde, mais notre système est fragile ; nouveau Prométhée, l’homme moderne a une vie qui repose sur des artifices qui lui font oublier la réalité biologique et naturelle.

On ne peut continuer ainsi, la terre est aujourd’hui vue comme une richesse à exploiter et la croissance marque sa destruction au nom du profit. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’on veut changer ou disparaître ; la planète, elle, survivra, peut-être pas l’homme, qui est en train de détruire ce qui pourrait contribuer à sa survie. Il y a donc nécessité d’une mondialisation de cette conscience de la fragilité de la vie, il ne s’agit plus de rafistoler sans cesse le système, mais d’être capables d’une Sobriété heureuse, ce qui marquerait un changement de paradigme.

  1. Albrieux, quant à lui, a réfléchi sur la fonction de l’entreprise qu’il a présentée comme un écosystème en relation avec son environnement social, politique et naturel. Il a insisté sur les règles humaines qui régissent les petites entreprises : contrairement aux grandes, elles dépendent moins de forces, financières par exemple, qui leur échappent. Il se pose la question de l’inscription des entreprises dans le temps, se demande comment produire mieux, en consommant le moins possible, conscient que la croissance soutenue partout dans le monde est ingérable et impossible à long terme. Il regrette nettement l’absence de lisibilité des objectifs politiques, à l’échelle européenne et en France, mis en évidence par la valse des ministres de l’Environnement, car une entreprise s’inscrit dans la pérennité. Il insiste enfin sur la liberté, donc la responsabilité des consommateurs dans leurs choix, qui induisent donc des modèles économiques plus ou moins mondialisés.

Après ces propos, la salle a posé quelques questions ; en réponse à celles-ci les intervenants ont pu compléter leur réflexion.

Ainsi P. Rabhi est-il revenu sur une définition de l’économie qui, pour lui, ne se limite pas aux échanges marchands, mais englobe tous les gestes et pratiques gratuits indispensables à la vie collective. Enfin, et surtout, il a expliqué la nécessité de créer des « oasis », espaces d’autonomie et de solidarité où les individus peuvent rétablir les lois d’une économie réelle (marchande et surtout non-marchande) Il a déploré que l’idée de précarité soit installée dans nos sociétés, où tout est fait pour créer du manque, par exemple à travers la publicité, et où l’on ne sait se libérer de la recherche, voire du besoin, du superflu. Et pour finir il a plaidé pour une nouvelle répartition de l’espace entre le rural et l’urbain, en souhaitant une réappropriation de l’espace rural car le modèle actuel des sociétés citadines n’est pas viable.

 

A la fin de la rencontre, un bilan en a été tiré par quelques membres du public. On retiendra l’intervention de M-N Gagnepain (UNICEF) qui a bien indiqué que cette conscience du risque global implique pour chacun/e des choix individuels et particuliers qui l’engage, et a retenu que l’utopiste et le pragmatique se heurtent tous deux à la globalisation, les semences Monsanto étant tout aussi dangereuses pour la nature que les mastodontes commerciaux comme Décathlon le sont pour de petites entreprises locales.

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Enfin tous les intervenants ont été d’accord pour reconnaître que la possibilité de dialogue était l’essentiel, ce qui justifie donc avec succès l’idée de ces rencontres improbables !

Lien vers la vidéo de la conférence de Pierre Rabhi du soir à l’amphithéatre Weill de l’UGA

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